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Homélie des Funérailles de Sylvie de Verchère née Mong – 15 Septembre 2021

A partir de maintenant, nous voici ensemble avec la famille et les amis réunis à Paris. En dépit de l’éloignement géographique pour les uns, la  situation pandémique pour tous, nous sommes tout de même ensemble par delà la distance géographique. Si la communion humaine et spirituelle ne connaît pas les frontières, cependant rien ne remplace le geste des bras ouverts pour  partager la peine, mais aussi pour exprimer l’espérance. Et si ceci n’est pas possible aujourd’hui, on sait que cela aura lieu très prochainement.   

A Paris dans la paroisse de la famille de Christian, en l’église de Saint Roch, une messe vient d’être célébrée par le curé,  l’abbé Thierry Laurent, en présence de la famille et amis.  A Taiwan et en Chine les parents et le frère de Sylvie sont retenus, mais aussi en lien avec nous. Où que vous soyez, soyez les bienvenus dans cette célébration des funérailles de votre enfant, votre soeur, votre parente, belle fille et belle soeur, tante, amie…

Après l’ouverture de la célébration par l’accueil du corps et l’évocation de la vie de la défunte, nous avons entendu  les lectures choisies dans la Bible. Nous voici donc maintenant, dans le moment de reprise de toutes ces étapes pour nous laisser nourrir par la parole de Dieu. Parole, telle qu’elle se donne à comprendre aujourd’hui en lien avec la vie de Sylvie, la vie de votre épouse et de votre maman, votre fille…  

La Parole de Dieu tout comme l’ensemble de cette célébration, comme toutes les étapes d’accompagnement de Sylvie dans ses derniers moments comme maintenant,  n’est pas un plaidoyer à charge ou pour défendre quiconque, fusse Dieu, il n’en a pas besoin. Nous non plus.

La souffrance de Sylvie rejoint mystérieusement  l’indicible souffrance de Marie, mère de Jésus, que  nous fêtons aujourd’hui elle,  Notre Dame des douleurs. 

Par certains côtés, la parole de Dieu peut nous sembler étrangement proche, par d’autres, curieusement lointaine. Toutes les paroles de consolations viennent peut-être apaiser le feu brûlant d’une absence qui se consume d’une flamme invisible. Les sens du corps humain, par lequel nous communiquons, sont désormais pris en tenaille par cette flamme invisible, cette brûlure d’absence, ce feu qui dévore l’intérieur du corps, comme l’intérieur du foyer, comme l’intérieur de la famille, toute la demeure en est sous ce feu ravageur, là  où Sylvie n’est plus. 

Les lectures, la Parole de Dieu sont une consolation qui ne se paye pas de mots, mais une consolation divinement fondée. Si vous croyez en Dieu, dit Jésus à ses apôtres lors de leur dernier repas, croyez aussi en moi. Que la vie sur terre s’arrête un jour, c’est une évidence scientifique, existentielle, philosophique. Mais si vite au milieu, avec tant de réalités inachevées?! 

La résurrection est au cœur de la foi chrétienne comme une douce évidence, et la raison humaine n’a pas de logiciel pour détecter cela. Il faut un autre logiciel, celui de l’espérance chrétienne dont la dynamique est générée par la foi en Dieu plus fort que la mort. Facile à dire, plus difficile à affirmer et encore plus difficile de s’y tenir, surtout dans les moments d’épreuve. 

Par la mort de nos proches nous côtoyons la face invisible de notre être, face sombre pour la plupart, face dont la faible lueur de la bougie de Noël ou de la vigile pascale a du mal à dissiper les ténèbres. Il faut arriver devant un fait accompli comme celui d’aujourd’hui pour se rendre à l’évidence de la difficulté. Mais en même temps pour arriver à l’évidence d’en  faire un choix. Choisir la vie, la vie comme grâce donnée par Dieu, la grâce “venue” du ciel pour nous y conduire.  Et,  une fois notre pèlerinage terrestre achevé, entrer dans le ciel équipé  pour accomplir l’espérance de vie éternelle.

Sylvie était marquée par le signe de la foi. Dans le baptême, elle a reçu les gages de la vie éternelle.  Dans le sacrement de malades, elle a reçu  le viatique pour le chemin qui était le sien.  Ainsi se profilait la dernière étape de son pèlerinage sur terre. 

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, ses parents quittent la Mandchourie, passant par l’Espagne, ils s’installent en France, à Paris où Sylvie et son frère sont nés.  10 septembre 2005 mariage en France, l’anniversaire c’était il y a quelques jours. Puis le jeune couple s’installe à Hong Kong. Les enfants y sont nés: Mattéo le 31 décembre 2007,  Oscar le 24 septembre 2010. 

Ce qui caractérisait Sylvie, c’était une grande rectitude,  quelqu’un qui ne reculait devant rien, très bienveillante, élégante, indépendance de goût, une vraie parisienne. Elle avait la capacité de créer sa propre mode, elle savait s’entourer des vêtements, comme des personnes, de façon toujours élégante et respectueuse. Par sa prestance, elle suscitait l’admiration. Dotée  d’une grande capacité d’écoute, de bon conseil, elle savait sortir les gens des impasses où ils pouvaient se trouver pour les rediriger vers  des espaces de liberté possible. Elle irradiait sa vie de couple et de famille par une énergie d’action  toujours constructive.

Ses fragilités et ses doutes  qui faisaient partie de sa vie, elle le gérait toute seule, par elle-même. Discrète à ce sujet, elle pouvait passer pour quelqu’un d’une solidité qui peut tout, qui peut assumer tout et qui peut porter tout. 

Une telle vie,  sans limite, n’existe pas. Même si  notre imaginaire humain est plein de ces héros indestructibles, non,  la vie est fragile. La robustesse de son corps, de son mental, de sa volonté lui ont permis de vivre pleinement sa vie. Elles lui ont aussi permis de se battre jusqu’au bout. Mais  les limites du corps ne lui ont pas épargné l’issue fatale.

Christian, lors de l’échange téléphonique à trois avec un ami prêtre, médecin spécialiste de l’accompagnement des fins de vie, vous avez dit que si l’issue est fatale c’est alors que le pire est à venir. Ce fut votre cri du cœur devant l’inexorable qui se profilait, malgré tout ce que vous avez pu offrir à votre épouse. 

En effet, comment survivre après, comment vivre, comment envisager un avenir sans elle, pour vous,  pour vos enfants. 

Accompagner jusqu’à ce que la maladie fasse son œuvre, c’est faire ce que l’on peut. Être là par amour,  tenir la main, échanger des caresses, même si l’on a l’impression que c’est seulement dans un sens unique. Dire les mots d’amour par le toucher, par l’ouïe, à défaut de communiquer autrement, c’est être au présent de sa vie. Vous l’avez fait dans un esprit de fidélité à tout épreuve et de respect infini, ce dont  seul l’amour véritable est capable. 

Jusqu’à vous demander ce qu’elle aurait fait si vous étiez à sa place. La force de votre amour pour elle allait jusqu’à inverser les situations. 

Et on peut aller jusqu’à se demander ce que Jésus aurait fait à votre place et à la sienne. Lui qui pleure son ami Lazare et qui dans sa résurrection a prouvé la puissance de la vie et sa victoire sur la mort. Dieu ne suspend pas le cours des choses, les lois de la nature sont connues de plus en plus précisément  et repousser leurs limites pour protéger la vie est de notre devoir collectif et individuel. 

Mais les médecins ne sont pas des thaumaturges, et si offrir l’accompagnement médical le plus approprié est un devoir, c’est sans promettre l’éradication d’un mal qui ronge. Accompagner c’est aimer la personne, c’est lui dire, sans mentir, tu vivras. Lazare l’a expérimenté dans un espoir de prolonger sa vie sur terre, le temps qu’il avait désormais pour développer l’espérance, comme vertu théologale, porteuse de la grâce de vie éternelle.

En disant à l’autre, tu vivras, ainsi l’amour devient le pain quotidien pour nourrir l’espérance. C’est l’amour qui survit à tous les désastres, bourrasques, tempêtes. Il emporte avec lui le parfum d’éternité, car Dieu est amour et il est éternel. 

La première lecture nous rappelle le contour général: “Voyez quel grand amour Dieu nous a donné”. Il s’offre comme un lien filial, nous sommes enfants de Dieu. Dans cette filiation, à l’image de la sève qui circule dans un arbre, grâce  à un tel lien  se révèle l’amour éternel. Il se révèle dans l’intimité du cœur du croyant. 

L’ amour  de Sylvie pour vos enfants était sans limite aussi.  Matéo et Oscar, votre maman vous  irradiait tous les jours de son amour dans la  bonne humeur et dans le rappel des règles d’une vie bonne, juste, ouverte aux personnes et aux cultures, religions, dans le respect et la bienveillance. 

Travailler dans les cosmétiques la rendait attentive au beau et au bien-être. Parler le mandarin l’ouvrait à la culture de ses ancêtres. Intégrer la langue et  la culture française et européenne, lui donnait le statut d’une double identité parfaitement assumée.  Souvent, ce double ancrage se faisait par la nourriture, comme ces fameuses préparations de raviolis en Bretagne. Il fallait savoir préparer la pâte grâce à un rouleau spécial, fait d’une manche à balai acheté à Saint Ka, la culture chinoise s’invitant dans la culture française et réciproquement. 

Sylvie, par sa personnalité plutôt que sa situation exotique, représente une valeur ajoutée dans la famille de Christian.

Aujourd’hui elle se présente à vous avec son amour, qui désormais est pleinement imprégné de l’amour divin. Elle se présente à vous Christian, à vous Matéo et Oscar, à vous les plus proches qui avez partagé la vie avec elle au quotidien (je pense particulièrement à Maricel et sa fille Amber). 

Avec elle nous pouvons continuer notre vie en nous laissant guider par ces paroles du psaume: 

Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte?

Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je?

C’est ta face Seigneur, que je cherche, ne me cache pas ta face. 

Le chemin, la vérité est la vie sont dans la même personne, celle de Jésus-Christ, sauveur.  Si tous nos instruments de géolocalisation qui nous aident à nous repérer dans notre vie humaine et spirituelle sont réglés sur cette référence, sur Jésus,  à leur façon, ils nous permettent de retrouver le bon chemin, dans la vérité plongée dans l’amour et pour la vie sans fin.  Là où l’amour est éternel.

AMEN